Qu'un travail artistique, susceptible de provoquer la polémique, commence par un éclaircissement des concepts et intentions dont il est le produit, cela est souhaitable. Evitons les malentendus et incompréhensions. Il ne s'agit pas ici de morale ou ni de juger qui que ce soit, mais bien d'essayer de comprendre et de rendre les clés de cette compréhension intelligibles à chacun. Pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus. Pour que chacun ait les armes nécessaires pour se lever et dire « non ». Il est important de garder cela en tête lors du visionnage des vidéos et photos rassemblées. N’oublions pas que, si certaines conditions sont réunies, toute personne est capable du pire. 

Ce site, collection de réitération d’une performance et de réflexions, a une fonction critique et interrogative, questionnant la société d’aujourd’hui et les gens qui la composent. Il vise à faire réagir, à créer des prises de consciences individuelles et citoyennes. 

La performance met en jeu la responsabilité personnelle – du processus de prise de décision à la responsabilité qui en découle – et d'en accepter les conséquences si tant est qu'on les comprenne. Elle propose au passant de dire "non, je ne suis pas d'accord". Mais elle provoque aussi une réflexion sur notre faiblesse à l'intérieur d'un groupe, sous le regard d'autrui, et la facilité à perdre son indépendance, son libre arbitre, sa capacité à décider par soi-même, pour soi-même dans une conscience collective. 

L'histoire l'a démontré à plusieurs reprises et pas uniquement au 20ème siècle. 

Cette performance révèle aussi la violence latente en chacun de nous - sous la pression accumulée et le poids porté par chacun – sans comprendre d'où elle vient et combien il est facile de saisir la moindre occasion de s'en libérer. 

Est-ce un travail de recherche ? Oui, tant artistique que sociologique. La recherche devient œuvre, toujours en évolution. Chaque performance, chaque texte, chaque collaboration apporte une pierre de plus à l'édifice. 

Est-ce un appel à la mobilisation ? Oui. A réfléchir ensemble ? Aussi. 

Ce travail se positionne comme héritier de démarches artistiques développées durant la fin des années 70 et le début des années 80 comme le "Collectif d'art sociologique" (Hervé Fischer, Fred Forest, Jean-Paul Thénot), le groupe "Untel" (Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal, Alain Snyers) mais se nourrit aussi de recherches philosophiques, sociologiques, ethnologiques, anthropologiques et psychologiques (Hannah Arendt, Elias Canetti, Stanley Milgram entre autres). 

Ce projet aurait dû mourir dans l'oeuf. Dès les Beaux-arts, il fut décrié, rejeté. La violence de cette opposition était déjà le signe de l'importance de cette recherche. Ce rejet n'est autre que le reflet d'une pensée petite-bourgeoise cloisonée cherchant à garder ses murs hors d'atteinte de la masse vile et puante, tel un château-fort en état de siège, creusant des douves de plus en plus profondes. Ces gardiens trop zélés, Paul Nizan les appelait "Les Chiens de Garde" il y a 80 ans. La situation est toujours d'actualité, voir bien pire malheureusement. 

Seul l'intérêt systématique de personnes de tous milieux sociaux et de tous âges, leur investissement, leur confiance et leur soutien, a permis la survie d'une vaguelette qui ne demande qu'à grandir.